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2 MAI / 31 OCTOBRE 2019
MAY 2ND / OCTOBER 31ST 2019
NOTE D'INTENTION / STATEMENT OF INTENT
Jean-Pierre et moi présidons aux destinées de Château Chasse-Spleen depuis vingt ans maintenant. Il y a une quinzaine d’années, nous avons décidé d’enrichir le château de pièces d’artistes et à l’instar du vin, ces œuvres montrées nous racontent d’une certaine manière, comme le vin et son écrin le font également.
Nous incarnons le vin comme la collection nous incarne. De nombreuses œuvres sont au vu et au su de tous, celles dans le chai pour nos visiteurs mais aussi pour ceux qui y travaillent, celles dans le parc, pour les mêmes, celles qui ornent les murs du château pour nos clients du monde entier. Cette année, nous augmentons ce voisinage en occupant l’espace dédié du centre d’art avec d’autres œuvres de la collection.
Nous avons choisi une thématique : l’étrange, car finalement elle pouvait rassembler un nombre important d’œuvres de celle-ci.
Ce petit catalogue est aussi le récit personnel de nos rencontres avec les œuvres, parfois avec les artistes. Nous rencontrons d’abord une œuvre, et de temps en temps il nous arrive de rencontrer son créateur, nous préférons dans cet ordre, l’inverse pourrait influencer notre regard, l’on se sentirait moins libre. Un artiste sympathique avec une œuvre moyenne, ou un autre désagréable avec un travail très intéressant, il en existe.
La notion d’étrange est tout aussi universelle que subjective, elle est à la fois liée à notre culture et se joue dans notre intimité.
Jean-Pierre et moi avons été très souvent sensibles à des pièces d’artistes qui évoquent cette notion, parce que l’étrange interroge et nous incite à résoudre le mystère.
Chacun de nous va raconter et le sentiment qui les lient aux pièces montrées dans cette exposition. Parfois, Jean-Pierre seul m’emmène dans l’histoire qu’il s’est raconté, parfois c’est moi, souvent cela s’est passé ensemble. Ces écrits sont personnels, ils n’ont pas valeur de critiques ou de savoirs d’historiens de l’art.
Céline Villars Foubet
Notre collection a un peu plus de dix ans. Il est peut-être temps de la montrer du moins en partie. Et en même temps, cela fait une offre d’art dans un zone rurale, où elle n’est pas pléthorique.
C’est donc le sujet qui nous anime sur la route du retour qui nous ramène à Bordeaux tous les soirs. Une récréation de notre focus professionnel qui, si l’on n’y prend pas garde, pourrait squatter la totalité de notre intimité : car nous travaillons ensemble.
Personnellement, j’avais envie de montrer des œuvres qui brillent (miroir, lumière, verrerie). On l’aurait appelé « Tout ce qui brille ». Comme ce qui attire les pies et les autres. Cela aurait produit une exposition joyeuse, colorée, à même de reproduire une fascination primitive. Le lien n’y aurait été autre que matériel. J’aime bien le principe du commissariat automatique, comme celui de la peinture protocolaire, par exemple. On extirpe un thème commun qui peut être seulement matériel, sans se soucier de l’intention de l’artiste et on voit ce que cela donne. On peut considérer que le commissariat est remis à un aléatoire qui ne serait pas complètement échevelé cependant puisque les œuvres sont issues d’un creuset compilé par seulement deux personnes et leurs psychés.
L’équation initiale a été retenue mais Céline a proposé l’Étrangeté. Tout ce qui peut paraitre étrange pour différentes raisons. Étrange par la forme qu’a donné l’idée, étrange par la mise en exergue d’un simple phénomène constaté par l’artiste, étrange aussi par l’idée d’avoir pu acheter ce « truc » (cf : nos enfants). Étrange pour être justement le champ d’expression choisi par l’artiste. Il y a de nombreuses étrangetés donc des variations de l’étrange. Nous convoquons aussi pour le titre, une locution de notre métier de viticulteurs : le vrac (un vin qui n’est pas encore en bouteille avant les assemblages ) pour mettre l’accent sur cet absence apparente de choix.
Nous voilà en train d’énumérer toutes les œuvres aux contacts étranges. Il y en a assurément quelques une répondant à cette occurrence, suffisamment pour remplir nos trois salles d’exposition. Nous ne voulons pas surcharger la surface. Nous n’oublions pas que nos visiteurs viennent pour le château et ses chais, les vins que nous faisons, pour la campagne médocaine ondulant de croupe de vignes parfaitement peignées. Nous faisons le choix d’être assez léger. D’autres centres d’art ont la charge du questionnement de notre société. Nous nous y précipitons d’ailleurs plus souvent qu’à notre tour. Demandez aux enfants !
Jean-Pierre Foubet
Jean-Pierre and I have presided over the fate of Château Chasse-Spleen for twenty years now. About fifteen years ago, we decided to enrich the Château with works by artists and, like wine, these pieces tell our story in a certain way, as wine and its setting also do.
We embody wine just like the collection embodies us. Many artworks are on view for everyone, the ones in the wine cellar for our visitors but also for those who work there, the ones in the park, for the same people, the ones on the walls of the Château for our clients from all over the world. This year, we are increasing this vicinity by occupying the space devoted to the art centre with other artworks of the collection.
We have chosen a theme: strangeness, because it could bring together a large number of artworks.
This small catalogue also brings together the personal tales of our encounters with the artworks, sometimes with the artists. First we meet an artwork, and from time to time, we are able to meet its creator; we prefer that it be in this order, as the other way around could influence our gaze, we would feel less free. A nice artist with an average artwork, or a disagreeable artist with very interesting work, exists.
The notion of strange is as universal as it is subjective, it is linked to our culture whilst also playing a role in our intimacy.
Jean-Pierre and I have often been sensitive to artworks that bring this notion to mind, because strangeness questions us and encourages us to solve mysteries. Both of us will tell you the story that links us to the works that are displayed in this exhibition. Sometimes, Jean-Pierre will bring me on his own into the story that he has told himself, sometimes it is me, often it has been together. These stories are personal; they have no value as critics or knowledge for art historians.
Céline Villars Foubet
Our collection is just over ten years old. It is maybe time to show it, even in part. And this proposes art in a rural area, where the offer isn’t overabundant.
This is therefore the subject that fills our return trips to Bordeaux every evening. A recreation from our professional focus that, if we are not careful, could take over all of our intimacy: as we work together.
Personally, I wanted to show artworks that shine (mirrors, lights, glassware). It could have been called “All that shines”. Like what attracts magpies and others. It would have produced a joyful, colourful exhibition, that would have generated a primitive fascination. The link would only have been material. I like the idea of automatic curating, like official painting for example. We extract a common theme that can only be material, without worrying about the artist’s intention and we see what happens. One may consider that curating becomes random but nevertheless not completely dishevelled, as the artworks come from a melting pot compiled only by two people and their psyches.
The initial equation was agreed upon, but Céline proposed Strangeness. Anything that may appear strange for any reason. Strange due to the form that was given by the idea, strange by the highlighting of a simple phenomenon by an artist, strange also is the idea of having bought this “thingummy” (cf. our children). Strange as it is the means of expression chosen by the artist. There are many forms of strangeness and therefore variations of strangeness. We have also chosen for the title a phrase from our profession as winemaker: bulk (wine that hasn’t yet been bottled before assembling) to put the accent on this apparent absence of choice.
We then started enumerating all of the artworks with strange contacts. There are assuredly several answering to this name, enough to fill our three exhibition rooms. We did not want to overload the space. We haven’t forgotten that our visitors come for the château and its wine cellars, the wines that we make, for the Medoc countryside undulating with perfectly lined vineyards. We have chosen to be subtle. Other art centres are in charge of questioning our society. And we are indeed the first to hurry there. Ask our children!
Jean-Pierre Foubet
œuvres exposées / exposed works
Francois MORELLET
Trop plein n°1
2013
Tubes d’argon bleu, acrylique sur toile sur bois
Tubes of blue argon, acrylic on canvas on wood
170 x 265 cm (2 panneaux 100 x 100 cm) (2 panels 100 x 100 cm)
Photo Jules Baudrillart